Lourdes est surtout connu comme « terre de miracles ». En France d’abord, puis dans le monde entier, les miracles ont largement contribué à la célébrité de cette petite bourgade pyrénéenne devenue l’un des Sanctuaires marials les plus célèbres au monde.
En fait ces miracles sont uniquement des miracles de guérison et, étonnant paradoxe, les paroles de la Vierge à Bernadette ne font jamais allusion à la maladie ou à la guérison ! Pourtant, dès les Apparitions, les guérisons extraordinaires font partie de la chronique de Lourdes.
Le 25 février 1858, lors de la 9ème Apparition (place centrale sur les 18), un mois avant que la Vierge ne donne son nom, sur ses indications, Bernadette met laborieusement à jour une source au fond de la grotte de Massabielle, en creusant la terre avec ses doigts. C’est au contact de cette eau que, trois jours après, une première guérison a lieu, puis d’autres dans les jours et les mois qui suivent. On pense d’abord à une vertu curative de l’eau de la Grotte, mais les analyse révèleront vite qu’il n’en est rien. Des guérisons de plus en plus nombreuses ne tarderont d’ailleurs pas à se produire en dehors du contact avec l’eau, que ce soit lors de la procession eucharistique, durant une messe, voire même à des milliers de kilomètres du Sanctuaire, avec ou sans la participation de l’eau.
On a du mal à imaginer aujourd’hui l’ampleur du phénomène « guérison ». Pendant un pèlerinage de quelques jours comme le National, premier pèlerinage organisé pour les malades à partir de 1873, le nombre de malades alléguant une guérison atteignait ce que l’on peut avoir actuellement en moyenne en une année ! Il faut, par exemple, relire la collection du magazine Le Pèlerin de 1877 : le 1er septembre et pendant cinq semaines, il va consacrer ses pages à la relation des 24 guérisons survenues au cours du Pèlerinage National du 15 août. Vingt-quatre guérisons dont, du reste, aucune ne sera reconnue miraculeuse par l’Eglise, même si la presse catholique de l’époque, dans un souci évident d’apologétique, ne fait guère le détail entre guérison et miracle...
Mais je voudrais terminer l’histoire de Lourdes qui est assez surprenante : c’est que, une fois que les Apparitions furent reconnues, les guérisons auraient pu se tarir : or, à l’image de la source, elles ne vont jamais se tarir. C’est étonnant parce que c’est assez fréquent que dans des lieux d’apparitions mariales il y ait des phénomènes extraordinaires au départ pour faciliter le discernement mais, après, il y en a forcément moins. Or, à Lourdes, les guérisons vont se poursuivre, toujours aussi nombreuses jusqu’à aujourd’hui, et c’est ce qui fait l’originalité de Lourdes, - ce qu’on pourrait appeler son charisme -.
La 1e guérison va passer totalement inaperçue, d’une part parce qu’elle se passe la nuit, d’autre part, parce que la personne qui va en bénéficier - vous allez voir pourquoi - ne racontera son histoire que plus tard.
Il s’agissait d’une mère de famille de 38 ans, Catherine Latapie, habitant un petit village à 6 km de Lourdes, Loubajac, qui avait 4 eu enfants, dont deux étaient morts en bas âge, et enceinte d’un 5e enfant à terme. Catherine était tombée d’un arbre deux ans auparavant et s’était fait une luxation de l’épaule droite qui n’avait pas été traitée à temps et qui avait donc provoqué une irritation du nerf qui passe par là, le nerf cubital, ce qui provoque une paralysie cubitale. C’est une paralysie très gênante puisque en rétraction, définitive une fois qu’elle est installée : elle ne pouvait donc plus utiliser son bras, et vous pensez bien que c’était un handicap très important pour une femme à la campagne à cette époque-là. Dans la nuit du dimanche au lundi 1er mars elle se réveille et elle a - d’après ce qu’elle va raconter plus tard - une "motion intérieure" on peut dire, qui la pousse à partir à la Grotte de Massabielle. Elle n’hésite pas, réveille ses deux enfants et part à la Grotte, dans la nuit, à pied bien entendu. Arrivée là, elle va découvrir la source, qui n’était encore qu’un mince filet d’eau, y mettre la main et voilà que sur le coup, elle retrouve l’usage complet de sa main et de son bras. Mais elle n’a pas le temps de réagir car, au même moment, elle ressent les 1ères douleurs de l’enfantement - qu’elle connaissait bien puisqu’elle avait déjà accouché 4 fois - et elle n’a que le temps de rentrer chez elle - toujours à pied - pour mettre au monde un petit garçon qu’elle va appeler Jean-Baptiste, qui deviendra prêtre : on connaît donc exactement la date, lundi 1er mars 1858, par cette naissance, inscrite dans les registres de l’Etat Civil du village. Et bien entendu, Catherine aura de quoi s’occuper dans les jours et les semaines qui vont suivre et ne pensera à raconter son histoire que plus tard.
Je trouve que c’était quand même important de savoir que cette 1ère guérison a été à l’origine d’une nouvelle vie.
Très longtemps, on va croire que la 1ère guérison de Lourdes c’était celle de Louis Bouriette - celle-là a fait beaucoup de bruit parce que c’est un homme de Lourdes, très extériorisé, qui va clamer haut et fort sa guérison ; l’histoire est connue : 20 ans auparavant, dans une carrière, il avait fait exploser de la dynamite et avait reçu des éclats dans l’œil, ce qui l’avait rendu aveugle ; venu à la source tiré par sœur, parce qu’il se disait « mécréant », il va mettre de cette eau, boueuse encore, sur ses yeux, et va retrouver la vue.
Et puis il va avoir une 3ème guérison, datée - le 6 juillet - qui mérite aussi d’être racontée. Il s’agit de celle du petit Justin Bouhort, né 18 mois auparavant, estimé non viable pour la médecine de l’époque. Sa mère -comme toutes les mères - avait tout fait pour le maintenir en vie et entendant parler de ce qui s’était passé pour Louis Bouriette décide - contre l’avis de tout son entourage - de l’emmener à la Grotte. Et là, elle va encore plus loin : on avait fait des barrages pour retenir l’eau qui devenait de plus en plus abondante et il s’était formé des espèces de citernes naturelles où Mme Bouhort a le culot de plonger complètement son enfant dans cette eau glacée (elle ne fait que 10 à 12°). Les gens autour étaient complètement affolés se disant « Il ne va pas en sortir vivant ! » et au contraire, quand il est ressorti de l’eau, il était peut-être bleu mais en tous cas il avait retrouvé vie et vigueur, tant et si bien qu’il va vivre vieux en pleine forme paraît-il : on a d’ailleurs des photos de lui à la canonisation de Bernadette à Rome en 1933...
Donc, ces guérisons, vraiment surprenantes et inattendues, vous imaginez bien qu’elles vont poser question aux autorités civiles et religieuses. Parce qu’à la suite de celles-ci, d’autres vont avoir lieu et d’autres encore... On a même parlé « d’épidémie de guérisons » ! Et Mgr Laurence, l’Evêque de Tarbes de l’époque, dès la fin des apparitions, fin juillet 1858, va - très intelligemment - mettre en place une Commission Médicale pour commencer à authentifier ces allégations de guérison. Commission Médicale que l’on connaît très bien, dirigée par le Prof. Vergez, professeur agrégé de Médecine Thermale de la faculté de Montpellier, qui passait ses étés dans la région où il y avait beaucoup de sources thermales. On lui demanda d’ailleurs si cette source n’était pas une source thermale parce que vous imaginez bien le maire de l’époque se frottait les mains, se disant : « Voilà une bonne source qui va attirer du monde ! ». Eh bien non ! Elle n’avait aucune propriété ni thermale ni médicinale. Donc : première surprise ! En tout cas, le Prof. Vergez va convoquer tous les gens qui alléguaient des guérisons, les recevoir, les interroger et les examiner, pour faire des rapports successifs à l’Evêque ; et, finalement, le 18 janvier 1862, Mgr. Laurence va reconnaître les Apparitions de Lourdes dans son célèbre Mandement, moins de 4 ans après le début des Apparitions, ce qui est très rapide dans l’histoire des apparitions mariales. Ce Mandement va reposer d’une part sur le témoignage de Bernadette qui a toujours été d’une clarté et d’une limpidité extraordinaires, - un peu à l’image de cette source - , mais aussi, ne l’oublions pas, sur ces guérisons survenues depuis et déjà authentifiées par la médecine. Et finalement Mgr. Laurence en tant que représentant du Magistère de l’Eglise Catholique va retenir 7 guérisons, les trois dont je vous ai parlé et quatre autres et va dire : « Ces guérisons sont des miracles : j’y vois le doigt de Dieu ».
La guérison - je parle pour le moment de la guérison physique - est donc un fait, un phénomène, qui est visible, constatable, analysable, spécialement par le corps médical.
Devant l’afflux des guérisons, l’Evêque de l’époque et ses successeurs vont donc continuer à demander l’avis des spécialistes que sont les médecins pour pouvoir se faire une opinion précise sur ces allégations de guérisons. Et c’est ainsi qu’en 1883 s’est créé le Bureau des Constatations Médicales : institution de 120 ans reconnue dans le monde entier pour son sérieux et sa rigueur.
Celui-ci comprend toujours un médecin permanent, attaché au Sanctuaire, qui reçoit les déclarations des personnes qui estiment avoir bénéficié d’une grâce de guérison par l’intercession de Notre-Dame de Lourdes (tous les mots sont importants), mais aussi tous les professionnels de santé qui souhaitent donner leur avis sur tel ou tel dossier, c’est la tradition au Bureau Médical[1].
L’objectif va être de confirmer qu’il y a bien eu une réelle guérison par une enquête auprès des médecins qui ont fait le diagnostic de la maladie avec tous les documents correspondants ; on cherchera aussi si cette guérison n’a pas d’explication d’ordre naturel ou médical, si elle est hautement improbable.
On en arrive alors à la seule conclusion médicale possible de dire : « guérison inexpliquée » dans l’état actuel de la science médicale.
Question récurrente : « Alors combien y a-t-il eu de guérisons à Lourdes ? »... Je n’en sais rien : je ne peux que vous parler des guérisons déclarées au Bureau Médical. Depuis qu’il existe - depuis 120 ans - nous avons des archives où on été consignées toutes les déclarations de guérison : aujourd’hui on atteint les 7000 guérisons. Et sur les 7000, l’Eglise n’a actuellement reconnu que 66 miracles. Car c’est bien l’Eglise qui reconnaît les miracles, pas les médecins. Nous ne sommes que l’étape intermédiaire, entre la parole du malade guéri qui reconnaît dans l’événement qu’il a vécu une signification d’ordre spirituel, et la parole de l’Eglise qui sera celle de l’évêque du diocèse où habite le bénéficiaire.
Il faut être conscient que le mot "miracle" est un mot piégé, surtout utilisé par la société civile qui adore récupérer les mots religieux pour les mettre à leur sauce, en particulier dans les média ! Il y a des goals qui sont « crucifiés » parce qu’ils ont perdu le ballon... ; vous avez « la grand messe » des manifestations humanitaires ..., le « miracle économique », le « miracle médical », etc.... Alors aujourd’hui, malheureusement, le terme "miracle" est dévoyé de son sens où on ne retient que le côté sensationnel, l’inattendu qui arrive, l’incroyable qui existe : c’est ce qui fait le scoop, les premières pages, l’audimat ! Il est donc impératif de faire la différence entre guérison et miracle. A Lourdes, les miracles sont des miracles de guérison, pas d’autres, quoique la Vierge n’ait jamais dit qu’il y aurait des guérisons à Lourdes. Pourtant il y en a eu dès le départ et il y en a toujours aujourd’hui ! Moins, il faut le reconnaître, mais reconnaissons aussi que la médecine a fait plus de progrès en 150 ans que pendant tout le reste de son histoire depuis Hippocrate ! Et Dieu agit d’abord et avant tout par les médiations humaines, par la médecine et les médecins, l’Eglise n’ayant jamais été opposée aux recherches médicales (dans la mesure où elle respectent la dignité de l’homme...).
Le miracle c’est une interprétation qui est donnée à ce fait de guérison. Et qui peut donner cette interprétation au départ ? Il n’y a qu’une seule personne : celle qui en est bénéficiaire (ou son entourage, s’il s’agit d’un enfant ou d’une personne inconsciente). Quelqu’un tombe du 2ème étage d’un immeuble sans se faire mal : peut-on parler pour cela d’un miracle ? Non ! pas forcément, cela peut être un coup de chance ou tout ce qu’on veut. Ce ne sera un miracle que si la personne qui est tombée dit « J’ai été spécialement protégée par Dieu ». Là on pourra commencer à envisager l’événement comme un miracle. Donc la parole du bénéficiaire est fondamentale. D’ailleurs nous ne prendrons en considération et nous n’étudierons que les cas des personnes qui viennent se déclarer volontairement, spontanément, au Bureau Médical. C’est le premier temps et il est essentiel.
Mais, en dernier lieu, ce sera l’Eglise qui décidera, parce que le miracle est religieux et même plus que religieux, c’est un fait « chrétien ». Le miracle est inscrit dans la tradition chrétienne parce qu’il a pour origine les miracles du Christ, et en particulier, de nombreux miracles de guérisons. Donc c’est l’Eglise Catholique seule qui peut dire, in fine, si elle estime bon de reconnaître officiellement le miracle, de l’homologuer en quelque sorte.
De plus, l’Eglise est prudente sur ce sujet et elle a raison de l’être, surtout aujourd’hui où, encore une fois, on a tendance à ne s’arrêter qu’au côté sensationnel. Aussi a-t-elle mis des conditions pour qu’une guérison soit reconnue miraculeuse, ce qu’on appelle les critères de Lambertini. La cardinal Lambertini, futur pape Benoît XIV, avait mis au point ces critères au 18ème siècle pour la Congrégation pour la cause des Saints.
Et donc l’Eglise a demandé à Lourdes depuis 1908 - pour le Cinquantenaire des apparitions - que nous nous référions à Lourdes aux critères de Lambertini, ce que nous faisons depuis. Vous savez que pour béatifier, puis canoniser un serviteur de Dieu, déjà reconnu vénérable pour sa vie exemplaire et évangélique, il faut un miracle - en général est un miracle de guérison - qui a lieu après sa mort reconnu par la personne bénéficiaire comme étant du à l’intercession de celui ou celle que l’on veut béatifier.
Les critères de Lambertini sont très logiques et restent toujours vrais aujourd’hui. Vous allez voir : ce sont vraiment des conditions très restrictives.
Le 1er critère, c’est que la maladie soit grave, de pronostic défavorable. On ne va pas crier au miracle pour un bouton qui va disparaître sur le nez !
Deuxièmement, il faut que la maladie soit connue, qu’elle soit répertoriée par la médecine : on ne part pas sur du flou.
Troisièmement, il faut que cette maladie soit organique, lésionnelle, c’est-à-dire qu’il y ait des critères objectifs, biologiques, radiologiques, tout ce qui existe actuellement en médecine ; ce qui veut dire qu’aujourd’hui encore on ne reconnaîtra pas des guérisons de pathologies sans critère objectif précis comme les maladies psychiques, psychiatriques, fonctionnelles, nerveuses etc. Cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas guérir de ces maladies-là, mais dans les critères de l’Eglise, ce ne sera pas reconnu comme miracle dans l’état actuel des choses.
Quatrièmement, il ne faut pas qu’il y ait de traitement qui vienne interférer dans la guérison. Là, vous voyez que ce n’est pas simple quand toute maladie reçoit traitement. Il s’agit d’un travail de discernement médical important aujourd’hui.
Le 5ème critère est très important, qui est le moment de la guérison lui-même : la guérison doit être subite, soudaine, instantanée, on pourrait dire : immédiate, sans convalescence. Cela ce ne se voit jamais en médecine. C’est un critère différentiel fondamental.
Après la guérison, il y a encore deux critères : il faut que ce ne soit pas simplement une régression des symptômes mais bien un retour de toutes les fonctions vitales, et enfin, que ce ne soit pas simplement une rémission mais bien une guérison, ce qui veut dire quelque chose de durable et de définitif.
Ce sont donc des critères d’exclusion et, en définitive, il n’y a rien d’étonnant que sur les 7000 guérisons déclarées en 150 ans au Bureau Médical, seules 66 ont été proclamées miraculeuses par l’Eglise. D’ailleurs aucun catholique n’est dans l’obligation de croire aux miracles de Lourdes, (je dis bien « de Lourdes » et non aux miracles de l’Evangile...).
Le critère le plus important, le plus différentiel, c’est le 5ème critère sur lequel il faut revenir parce qu’aujourd’hui on parle beaucoup de « rémission spontanée ». On connaît des gens qui ont des maladies graves, de pronostic fatal à court terme, ... qui, de façon surprenante, survivent, c’est-à-dire qu’ils sont toujours vivants après 2 ans, 3 ans, alors qu’ils étaient condamnés par la médecine. Cela fait partie des exceptions de la nature. Vous savez que la médecine n’est pas une science exacte : elle s’adresse à des individus qui ont toujours des réactions particulières et on a des exceptions dont on ne peut rien en faire ; on les met de côté, c’est tout, c’est insignifiant. Tandis que dans la guérison miraculeuse - divine - puisqu’il s’agit bien de guérison divine ici, c’est la personne elle-même qui le sait. Elle le sait très bien. Elle peut l’enfouir et le garder pour elle, le cacher, mais elle le sait très bien et elle ne l’oubliera pas. Parce qu’il y a eu pour elle vraiment un passage de Dieu. Ce n’est pas d’abord une guérison d’ordre médical. Il se passe vraiment quelque chose qu’on ne peut pas oublier, et qui est vraiment fondateur dans l’existence de quelqu’un mais, encore une fois, qu’on peut recevoir ou refuser - c’est la liberté des enfants de Dieu -. Donc c’est un premier temps. Il se passe quelque chose de fort que la personne sait qu’elle a vécu ; elle peut raconter ce qu’elle a vécu à ce moment-là, ce qu’elle a ressenti - qu’elles racontent toujours de façon identique, dont elles peuvent donner la date exacte. Finalement, c’est elles qui vont en donner la signification. Et c’est là où cela devient intéressant car en donnant un sens à ces guérisons celle-ci devient signifiante ! Vous voyez comme c’est très important.
Et c’est ici que se situe le rapport science-foi.
Le discernement d’un tel fait doit se situer à deux niveaux :
1) un niveau scientifique, médical, où le médecin, en tant qu’homme de science et d’art, exerce son métier avec toute la rigueur possible suivant sa formation et son expérience pour valider, ratifier, assurer, une guérison
2) un niveau spirituel, qui se situe, lui, dans l’ordre de la foi, que l’examen scientifique ne peut annexer ou occulter, qui prend en compte le contexte dans lequel la guérison a eu lieu.
En effet, une guérison ne pourra être reconnue comme miraculeuse que si elle remplit simultanément deux conditions :
1) elle échappe aux lois habituelles connues de l’évolution de la maladie en question ;
2) elle amène le bénéficiaire et les témoins à reconnaître une signification spirituelle à cet événement.
Il y a donc deux versants à prendre en considération dans un constat de guérison :
1) Le fait a-normal : c’est le phénomène guérison lui-même, qui se caractérise en ceci qu’il est tout à fait inattendu par rapport aux prévisions médicales habituelles ;
2) Le signe, qui invite à croire en l’intervention spéciale de Dieu par l’intermédiaire de Notre-Dame de Lourdes (pour ce qui est des guérisons de Lourdes).
Devant une guérison surprenante, il est indispensable de tenir ensemble ces deux approches d’une seule et même réalité : le fait anormal et le signe, en les distinguant mais sans les séparer.
Si on ne reste qu’au coté scientifique, on verse dans le scientisme, le rationalisme, qui en reste à dire : guérison inexpliquée, exception statistique aux lois de la nature...
Si on n’envisageait que le coté merveilleux, ce serait plus grave encore, on tomberait dans la crédulité et, bientôt, dans le fidéisme et même l’illuminisme !
Les miracles de guérison nous obligent à tenir ensemble la science et la foi, dans un dialogue permanent du comment et du pourquoi, à partir d’un fait qui devient vérité à partie de la signification que l’on peut lui donner.
Les guérisons miraculeuses visibles restent des exceptions. Elles sont, nous venons de le dire, des signes.
C’est la définition du miracle : un signe que Dieu nous fait à travers un événement fort et personnel. Des signes, Dieu en fait beaucoup ; autrement, comment ferait-Il pour nous parler ?! Il y a Sa Parole, il y a l’Eglise, les Sacrements mais il fait d’autres signes, seulement « on a des oreilles et on n’entend pas, des yeux et on ne voit pas !... » Alors Il est obligé de temps en temps de nous faire des signes un peu plus forts pour nous frapper, que l’on peut ou non recevoir car un signe, par définition, s’adresse toujours à notre liberté. Sinon ce n’est plus un signe ! Si il y a un signe qui dit « interdit de fumer » il y en aura toujours certains qui fumeront : on est libre... Il y a ceux qui disent « Moi je croirai aux miracles le jour où il y aura un manchot qui repartira avec ses deux bras, là, je croirai ... ! » Dommage..., ce n’est plus un signe, c’est un prodige qui ne nous laisse pas libre : ce n’est plus un miracle, parce que Dieu nous laisse toujours libre, et dans tout miracle, il y a mystère ! C’est Blaise Pascal qui disait « Dans le miracle il y a suffisamment de clarté pour ceux qui veulent bien croire et suffisamment d’obscurité pour ceux qui ne veulent pas ! » On a tous à s’interroger face à un signe et à donner une réponse, et une réponse personnelle, qui engage.
Ce qui veut dire aussi que, en tant que médecin, donc scientifique, je ne prouverai pas un miracle. Si un miracle se prouvait, ce ne serait plus un miracle, puisque ce ne serait plus un signe... Non, je cherche tous les éléments qui convergent pour m’amener à cette conviction qu’il y a guérison inexpliqué. Après quoi, c’est la croyant qui peut parler et croire, en son for intérieur, que cette guérison est miraculeuse. Et l’un n’empêche pas l’autre, au contraire !
Certes, il y une majorité de malades ou de handicapés qui ne guérissent pas dans leur corps, c’est vrai... Pourtant ils repartent en témoignant : « Je ne suis pas venu pour rien, j’ai reçu quelque chose. Je repars plus fort avec une plus grande paix et j’ai envie de revenir car cela me permet de mieux assumer ma maladie, mon handicap ou ma souffrance. » N’est-ce pas très important ? Ils repartent avec un autre "vécu", grâce au climat de foi, d’écoute, de tendresse prégnant ici par la présence de Marie.
D’autre part je crois que s’il y a encore des guérisons physiques aujourd’hui- même si elles ne sont pas très nombreuses - elles sont indispensables parce que ce sont les seules visibles et par conséquent elles signes de toutes les autres guérisons non visibles qui ont lieu à Lourdes. Et ces celles-là sont innombrables ! Ce sont les guérisons du cœur, les guérisons de l’âme, les guérisons du péché qui se passent à la Chapelle de la Réconciliation de Lourdes. Je crois que le miracle permanent de Lourdes a lieu là : à la Chapelle de la Réconciliation de Lourdes. Les chapelains le disent et le redisent. Et puis toutes les guérisons dont nous avons tous besoin dans un monde difficile, un monde agressif, un monde perturbant, spécialement pour les jeunes et même pour les moins jeunes : blessures qui empoisonnent l’existence, qui nous bloquent et peuvent nous empêcher d’avancer dans la vie spirituelle.
Ma conviction c’est que Lourdes est un lieu de guérison pour tous, aujourd’hui, au 21ème siècle.
Dr Patrick Theillier
Responsable du Bureau Médical
Président de l’AMIL
Sanctuaires de Lourdes
Dernière parution : "Lourdes, des miracles pour notre guérison" aux Presses de la Renaissance
[1] Ils font alors partie de l’Association Médicale Internationale de Lourdes (AMIL), qui comprend 10 000 membres de 75 pays, recevant un Bulletin trimestriel en 5 langues.