Comment reconnaître un cas de possession ? Peut-on être possédé et en état de grâce ? Que faire devant une possession ? Les pactes avec le démon, ça existe vraiment ? Qui peut faire un exorcisme ? Comment se protéger contre les possessions ?
L’Eglise affirme que les démons ont vraiment le pouvoir de posséder ou d’obséder les corps des hommes comme celui des objets matériels.
La possession est le phénomène par lequel le démon envahit le corps d’un homme et en prend le contrôle. Les deux éléments fondamentaux de la possession sont :
La présence d’un ou plusieurs démon(s) dans sa victime.
Le commandement « despotique » du démon sur elle.
L’infestation est la présence d’un démon dans un objet matériel.
Les personnes qui souffrent d’une possession sont appelées : énergumènes, obsédés, démoniaques ou possédés.
On a affaire à un exorcisme lorsque l’Église demande, avec son autorité, au nom de Jésus, qu’une personne ou un objet soit protégé contre l’emprise du Malin et soustrait à son empire. Sous sa forme simple, il est pratiqué lors de la célébration du Baptême. L’exorcisme solennel, appelé grand exorcisme, ne peut être pratiqué que par un prêtre et avec la permission de l’Évêque.
L’Evangile cite de nombreux cas de possessions : il y a par exemple le possédé de Gerasène, que Jésus libère de ses « légions » de démons (Mc 5.1-13) ou le possédé que Jésus exorcise dans la synagogue de Capharnaüm après que ce dernier eut tenté de l’agresser (Mc 1.13-27). Les Evangiles notent que Jésus, pendant sa vie publique, « chassait de nombreux démons » ( Mc 1.34) et que les gens qui assistaient à ces premiers exorcismes étaient stupéfaits « car Jésus avait autorité sur eux » (Lc 4.36).
Jésus envoie ses disciples avec le pouvoir de chasser les démons (Mc 6.7) et précise que certains genres de démons « ne peuvent être chassés que par la prière » (Mt 17.21). Lors des exorcismes pratiqués par Jésus, se révèle clairement sa divinité : les démons le craignent et reconnaissent en lui « le Saint de Dieu » (Lc 4.34).
Son pouvoir d’exorciste lui sera d’ailleurs objecté par ses détracteurs. Certains juifs accusaient en effet Jésus de tenir son pouvoir du démon (Mc 3.22-30). Mais Jésus leur répond habilement en poussant leur raisonnement jusqu’à l’absurde : s’il chassait les démons par un pouvoir démoniaque, cela signifierait que le royaume de Satan est divisé, ce qui n’a aucun sens.
Satan est le protagoniste principal de la mort de Jésus : Jésus avait en effet affirmé que par sa passion, « le prince de ce monde serait jeté dehors » (Jn 12.31). Cet holocauste permettra donc à Jésus de « racheter » l’humanité de ses péchés. Le démon craint cette victoire de Jésus ; il avait même affirmé que « le monde lui appartenait » (Lc 4.6). Satan tente donc de dissuader Jésus (Lc 4.13 ; Mt 16.36-46), et il va simultanément déchaîner sa haine contre le Fils de Dieu : c’est l’heure des ténèbres. Satan pénètre dans le cœur de Judas (Jn 13.27), le « fils de la perdition » (Jn 17.12), qui va livrer Jésus au Sanhédrin avant d’aller se pendre.
Par la Résurrection, Satan est définitivement vaincu, ce qui le place dans une situation extrême : il ne peut se convertir mais connaît sa défaite et est donc désespéré. C’est justement dans ce royaume du désespoir, de la désolation, qu’il essaie d’attirer les hommes. En effet l’homme est la créature préférée de Dieu, et donc celle que Satan hait le plus, et par sa liberté l’homme peut refuser Dieu jusqu’à l’extrême de la condamnation éternelle. C’est là qu’il veut le mener, par cause de sa haine et pour se venger ; et pour cela il ment continuellement à l’homme, lui qui est « menteur et père du mensonge » (Jn 8, 44).
C’est pourquoi Jésus, dans la prière qu’Il nous a laissée, nous invite à demander à Dieu : « Délivre-nous du Mal ». Le catéchisme commente (CEC 2851) : « dans cette demande, le Mal n’est pas une abstraction, mais il désigne une personne, Satan, le Mauvais, l’ange qui s’oppose à Dieu. Le « diable » (dia-bolos) est celui qui « se jette en travers » du dessein de Dieu et de son œuvre de salut accomplie dans le Christ ».
La grandeur de ce combat est représentée en particulier dans le livre de l’Apocalypse de saint Jean : lorsque la victoire sur le « prince de ce monde » (Jn 14, 30) est acquise, celui-ci « se lance à la poursuite de la Femme » (Ap 12, 13), mais il n’a pas de prise sur elle : Marie, la nouvelle Eve, est préservée du péché et de la corruption de la mort. « Alors, furieux de dépit contre la Femme, il s’en va guerroyer contre le reste de ses enfants » (Ap. 12, 17). C’est pourquoi l’Esprit et l’Eglise prient : « viens, Seigneur Jésus » (Ap 22, 17) puisque sa Venue nous délivrera définitivement du Mauvais.
On peut classifier les cas de possession en quatre groupes, suivant deux critères : le consentement de la personne et son état de grâce. La plupart des cas de possession proviennent de cérémonies occultes : spiritisme et rituels sataniques.
1er cas : La victime est en état de grâce et consent à la possession. C’est un cas assez rare, mais qui est rapporté par certains exorcistes. Il arrive que Dieu donne à certaines âmes la possibilité de souffrir jusque dans leur corps la présence d’un démon pour pouvoir affermir leur désir d’aimer Dieu et de renoncer au péché. On connaît le cas, au XIXème siècle, du Père Surin qui fut possédé par un démon alors même qu’il réalisait un exorcisme ; ses mémoires, en ce sens, ont été très précieuses pour montrer que le démon n’a en fait aucune influence directe sur la volonté de sa victime. Il ne fait que susciter des tentations... Mais il ne faut pas confondre ce cas avec celui des âmes qui s’offrent à Dieu comme « victime d’oblation » pour le salut des âmes (Ste Thérèse de Lisieux, Marthe Robin,...). Il peut aussi arriver dans certains cas que le démon s’en prenne à des personnes avec acharnement à cause du bien qu’ils font au monde : Le saint curé d’Ars et le Padre Pio avaient l’habitude de se battre « physiquement » contre le démon durant des nuits entières. Et il n’était pas rare qu’ils apparaissent le matin tout couverts de contusions... et que dans la journée un grand pécheur vienne se confesser.
2ème cas : La victime est en état de grâce, mais ne consent pas à la possession. Ce cas, que l’on trouve dans l’Evangile (le jeune homme possédé depuis l’enfance Mt 17.14-21), est peut-être plus fréquent qu’on ne le pense. Il est difficile à comprendre car il nous semble, à première vue, assez injuste... « Qu’a donc fait cette personne de mal pour mériter une telle souffrance ? ». La foi nous apprend cependant que Dieu n’est pas la cause du mal et qu’il n’accepte un mal que pour en faire sortir un plus grand bien. On a vu en effet des familles entières revenir à la foi et aux sacrements grâce à ce genre d’épreuve. Ce cas se produit rarement, pour ne pas dire jamais, dans les personnes qui ont une profonde vie spirituelle et sacramentelle. Certains exorcistes indiquent que cela peut se passer quand le rituel du baptême a été tronqué du cérémonial d’exorcisme, par négligence ou présomption.
3ème cas : La victime n’est pas en état de grâce, mais n’est pas pour autant consentante à la possession. Il s’agit en fait d’un châtiment de Dieu dû à un enracinement profond dans le péché. Dieu « permet » cette possession à cause de l’endurcissement du cœur de l’homme. Thyrée (De daemoniacis, I pars, ch. 30, n° 9-23) signale principalement les désordres d’infidélité, d’apostasie, d’abus de l’Eucharistie, de blasphème, d’orgueil, les excès de luxure, de paresse, la persécution contre les serviteurs de Dieu, le manque de respect contre les parents, les violences de la colère, le mépris de Dieu et des choses saintes... Il arrive que ces personnes aient eu une certaine vie spirituelle. Mais à force de pécher, de ne pas pratiquer leur foi, l’eau chaude est devenue tiède, puis froide... puis a littéralement gelé. Alors le démon peut très facilement prendre « les commandes » de cette âme, comme il le fit avec le malheureux Judas (Jn 13.27). Dans ce cas, le démon conduit généralement sa victime au désespoir en la forçant à commettre des péchés très graves. La victime reçoit une image tant détestable d’elle-même qu’elle ne peut plus se supporter. Elle tombe dans la schizophrénie et la dépression. Cela s’achève souvent - c’est la victoire du démon - par un suicide. C’est aussi dans cette catégorie que l’on peut classer ceux qui, non baptisés, n’ont jamais eu accès à la vie de grâce.
4ème cas : La victime n’est pas en état de grâce et est pleinement consentante à la possession. Ce cas provient d’un « pacte » établi avec Satan. Dans ce cas, le possédé devient complice du démon et reçoit généralement des « dons obscurs » qui lui permettent de multiplier ses forces pour répandre le mal dans le monde. Il y a alors une sorte « d’inversion » de l’ordre de la grâce : le possédé reçoit des pouvoirs et une protection particulière tant que ces derniers peuvent lui être utiles. Cependant, il ne faut pas croire que le démon devienne l’« ami » de celui qui pactise avec lui, car le diable n’a pas d’ami, il n’a que des victimes. Ceux qui se prêtent à ce triste jeu peuvent avoir un instant l’impression d’avoir gagné l’amitié de Satan. Qu’ils ne se fassent pas d’illusion : le diable les méprise autant que tous les êtres humains, race largement inférieure à sa nature angélique et pourtant préférée du Créateur.
Le Catéchisme de l’Eglise Catholique rappelle qu’il convient avant tout de bien distinguer les maladies psychiques des véritables cas de possession démoniaque (CEC 1673). Le Rituel romain, quant à lui, au chapitre « De exorcizandis obsessis a daemonio », donne quelques « signes » qui permettent de diagnostiquer les cas de réelle possession diabolique :
Le fait de parler des langues non connues par la victime (le latin, par exemple).
L’esprit de blasphème, d’horreur instinctive ou inconsciente des choses saintes, en particulier la haine contre le Christ et la Sainte Vierge.
La révélation de choses cachées ou futures, sans raison naturelle qui puisse l’expliquer (attention, le démon ne possède pas la connaissance du futur. Mais parce qu’il est de nature angélique, il peut avoir une connaissance « conjoncturelle » beaucoup plus grande que la nôtre.)
L’utilisation d’une force qui dépasse les capacités humaines (la victime peut lever toute seule une charge que plusieurs personnes ne pourraient pas lever.)
Phénomènes d’apesanteur : voler, comme si le possédé avait des ailes ; se maintenir en l’air, sans point d’appui ; marcher sur le plafond, la tête dirigée vers le sol, etc.
L’exorcisme vise à expulser les démons ou à libérer de l’emprise démoniaque et cela par l’autorité spirituelle que Jésus a confiée à son Église (CEC n° 1673). L’Eglise demande beaucoup de prudence à cause de la délicatesse et de la gravité du problème. L’exorcisme solennel, appelé " grand exorcisme ", ne peut être pratiqué que par un prêtre et avec la permission de l’évêque. Il faut y procéder avec prudence, en observant strictement les règles établies par l’Église. Le Code de Droit Canon précise que le prêtre qui reçoit la licence de pratiquer l’exorcisme doit être doté de piété, de sagesse, de prudence et d’intégrité de vie (Can 1172). Il convient donc à l’exorciste de discerner s’il s’agit d’une maladie psychique ou d’une véritable possession. Ensuite, il faut distinguer les cas aptes à l’exorcisme (Le 1er et le 4ème cas ne conviennent pas, car ils découlent d’un consentement libre à la possession du démon : ils ne peuvent donc être annulés que par une décision personnelle exprimée à travers un profond repentir et une confession sacramentelle.) Dans tous les cas, l’exorcisme n’est vraiment efficace que s’il est suivi par une décision personnelle de renoncer à Satan (promesse du baptême) et par un retour aux sacrements. Sinon, la possession risque de revenir, et d’être encore pire que la précédente (Cf. Mt 12.43-45)
Le prêtre qui procède à l’exorcisme (ainsi que les personnes qui retiennent le possédé pendant l’exorcisme) doivent être eux-mêmes en état de grâce, avoir une profonde vie intérieure, et ne pas avoir dans le passé été possédés ou très affectés par le péché. L’exorcisme ne convient pas aux personnes émotives, ni aux personnes colériques. Sachant que les démons sont, à l’égal de leur chef, les « pères du mensonges », l’exorciste doit posséder une très grande humilité pour ne pas être affecté par les insultes du démon.
On raconte de nombreux cas d’exorcisme pratiqué par Jean-Paul II. En voici un parmi d’autres, raconté par le photographe officiel du Pape, Arturo Mari :
Je me souviens que durant une audience générale ils ont fait venir une fille, très particulière. À un moment de l’audience, elle s’est mise à hurler. Sa voix n’était pas humaine, elle ressemblait à celle d’une bête ou, plus exactement, elle semblait venir d’outre-tombe. La jeune fille prononçait des paroles très violentes, imprégnées de colère et de haine. Le vice gouverneur, Monsignore Danzi, est descendu, il a cherché à lui parler mais sans aucun effet. Aussi la fille se déchaînait-elle encore davantage, elle criait des paroles encore plus vulgaires, offensives. Après l’audience, le Saint Père a commencé à recevoir les invités, puis il est monté sur la papamobile et est parti pour rentrer au Saint Siège. À la hauteur de l’Arc des Cloches, il y avait la fille, parce que justement on l’avait placée là contre le mur de la basilique. C’était une jeune fille de 20-22 ans, mince, mais elle avait tant de force que six fonctionnaires de l’antichambre, appelés habituellement ’sediari’, jeunes gens robustes, n’arrivaient pas à la maintenir immobile. Elle avait une force inconcevable, surhumaine. Quand ils ont dit au pape ce qui se passait, le Saint Père a fait arrêter la voiture, il est descendu et à ce moment s’est passé le ’pandémonium’. La jeune fille s’est mise à crier : « va-t’en vieil estropié ! Maudit !... » et de sa bouche, sortait une salive verdâtre, foncée. Son visage n’était pas humain. Les jeunes gens qui la retenaient étaient tout en sueur, ils n’arrivaient pas à la maintenir immobile. À ce moment, la jeune fille n’avait pas visage humain. Sa force non plus ne pouvait être humaine. Le Saint Père s’est approché, il a fait le signe de croix et a commencé à prier en latin. J’étais à une certaine distance, je n’entendais pas les paroles du Pape, en revanche j’entendais très distinctement la jeune fille qui continuait à crier : « Vieil estropié, tu es malade ! » À un certain moment, pendant que le Pape priait, la voix de la jeune fille s’est atténuée, est devenue presque une lamentation : « Mais tu sais que je ne peux rien contre toi. Je ne peux rien, tu es trop fort, trop fort ». Le Saint Père, priant, a mis la main sur sa tête et alors on a entendu un cri, comme arraché du ventre. Le Pape l’a bénie, l’a touchée de nouveau. La voix de la jeune fille était encore plus faible, elle répétait : ’ça suffit, maudit’, et après environ 20 minutes elle s’est tue. Puis elle s’est affaissée et son visage a repris sa physionomie normale, mais elle était littéralement trempée de sueur. Après cela, elle a ouvert les yeux et a regardé le Pape. Le Saint Père l’a caressée, bénie, et ensuite il est parti. J’étais stupéfait, bouleversé. Des phrases contre le Pape, du ton de la voix, inhumain, et surtout de la simplicité de l’intervention de Jean Paul II.
(SOURCES : Catéchisme de l’Eglise Catholique n°1673 ; Compendium CEC n°352 ; Code de Droit Canon, Can. 1172 ; Rituel Romain, Cap. De exorcizandis obsessis a daemonio ; Tanquerey, Compendium de Théologie Ascétique et Mystique ; Schram, Théologie Mystique).